mars 10, 2025

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Esclavage en Libye : mple alors chacun peut faire son marché »

 

 

 

Des migrants africains subsahariens dans un centre de détention près de Tripoli, en Libye, le 27 novembre 2017.

 

 

En Afrique, les Noirs se racontent souvent des anecdotes sur le racisme dans les pays arabes du Maghreb et du Moyen-Orient. Cela va des vexations répétées que leur fait subir l’équipage de Royal Air Maroc aux regards torves dans les souks de Marrakech, de Tunis ou du Caire. De l’attitude ouvertement dédaigneuse des enseignants dans les universités aux maltraitances jusqu’à ce que mort s’ensuive des « petites bonnes » au Liban. La liste est non exhaustive et les possibilités de recours, insignifiantes.

 

Le traitement infligé aux Africains subsahariens en Libye est la conséquence vertigineuse de l’idée qu’un Noir peut être acheté, vendu et torturé sans susciter d’état d’âme. Une logique implacable qui prévaut depuis des siècles et qui justifiait déjà les traites arabe et transatlantique. Nous avons eu tort de juger la pratique révolue, de penser qu’en ce XXIe siècle de richesse et d’ouverture, nous, Africains, ne verrions plus cette ignominie. Nous avons négligé les signes avant-coureurs et refusé de regarder la réalité en face.

Les jolies paroles, les beaux messages de condamnation venant des Nations unies, de l’Europe, de l’Union africaine et le geste qui apaise : envoyer des avions pour « sauver » les migrants puis leur offrir 100 euros pour leur permettre de redémarrer une vie. La mise en scène de l’indignation, après la théâtralisation de la horde d’affamés déferlant sur l’Europe, serait risible si la situation n’était si tragique.

Il n’y a que deux types de migrations « heureuses » : s’emparer d’une terre, décimer sa population et se l’approprier, comme l’a fait la diaspora occidentale en Amérique ; ou s’installer ailleurs en sachant qu’on possède quelque part un lopin de terre où revenir si besoin. Les Africains pauvres n’ont ni l’un ni l’autre. Ils sont trop nombreux, trop en colère, potentiellement insurrectionnels. Leurs gouvernements ne sont pas mécontents de les savoir au loin. Personne ne les protège, alors chacun peut faire son marché.

 

 

SOURCE

LEMONDE.FR