mars 10, 2025

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Nyoka Longo : « Je demande à nos aînés Lutumba et Bombenga de nous rassembler »

 

Après un séjour de 6 ans et 7 mois en Europe, Jossart Nyoka Longo a surpris son monde pour la conférence de presse qu’il a animée en conviant à ses côtés Lutumba Simaro, Jeannot Bombenga, Pépé Ndombe, Félix Wazekwa et Fally Ipupa, tandis que Papa Wemba, Koffi Olomide et Bimi Ombale se sont excusés. Volonté d’unité et de solidarité qui a fait l’objet de plusieurs questions de la presse sans

 occulter d’autres sujets liés à son long séjour et à l’état de la musique congolaise. L’essentiel des échanges entre la presse et Ya N’Yoch.

PRESSE(PR) : Comment expliquez-vous ce séjour très long en Europe ?

NYOKA LONGO (NL) : Je voulais réaliser certains objectifs, notamment celui de disposer d’un équipement de musique. Chose faite à moitié mais avec de fermes promesses. Mais en fin de compte, ma famille m’a beaucoup manqué sans oublier que nous, créateurs des œuvres d’esprit, sommes mieux inspirés au pays qu’ailleurs. Je saisis l’occasion pour remercier la presse ainsi que la société civile pour leur soutien surtout pendant la dure épreuve de mon emprisonnement. Je remercie aussi le Président de la République et toutes les autorités dont je ne peux citer les noms ici, qui, d’une manière ou d’une autre m’ont soutenu à un moment ou à un autre.

PR : Certaines rumeurs ont laissé entendre que vous auriez une dette colossale envers des gens à qui vous auriez promis un visa pour l’Europe et que cela ne vous incitait pas particulièrement à rentrer ?

NL : On voudrait me faire passer pour le Madoff des « ngulus » (un trafiquant des êtres humains) au pays. On raconte par ailleurs que certains musiciens ont amassé beaucoup d’argent et doivent aussi à des gens et pourtant ils sont rentrés au pays. Si c’était le cas, pensez-vous que je sois le plus malheureux des musiciens, donc incapable de rembourser ? C’est un faux débat. On a également raconté que j’avais demandé l’asile politique en Europe, que j’avais contracté un mariage blanc, que j’aurais fait un enfant pour obtenir des papiers… Tout cela s’avère aujourd’hui faux. Dans mon dossier judiciaire, il y avait des documents venus de Kinshasa avec ma signature imitée et certains de mes collègues artistes et des journalistes en ont été soit des instigateurs, soit les auteurs de ces faux.

PR : Que peut-on attendre de Zaiko Langa-Langa avec votre retour ?

NL : On va travailler plus qu’avant et grâce à vos critiques nous espérons être encore meilleurs.

PR : Beaucoup estiment que notre musique s’est enfermée dans un ghetto, partagez-vous cet avis après votre long séjour en Europe ?

NL : La musique congolaise évolue bien en Europe mais reste dans le ghetto faute d’accès dans les différents médias. Nous avons l’habitude, au Congo, de nous attaquer aux effets plutôt qu’aux causes. Le nœud du problème est au niveau des textes, de la diffusion et de la promotion. Dans le temps, ce sont les étudiants boursiers et les diplomates qui, à l’occasion des fêtes ou des « boums » faisaient découvrir notre musique aux non Congolais. Actuellement ceux-là, faute de moyens financiers, ne peuvent plus promouvoir notre musique. Il faut aussi signaler que la plupart des « DJ » dans les discothèques africaines d’Europe sont des Ouest-africains et quoi de plus normal qu’ils privilégient leur musique au détriment de la musique congolaise. Parmi les solutions, je propose l’organisation des états généraux de la culture mais également l’audit du Fonds de Promotion Culturelle.

PR : Personnellement comment entendez-vous sortir notre musique du ghetto en sachant que vos derniers albums sont passés inaperçus dans le pays alors que Zaiko LL est une référence aux Antilles où il pourrait rivaliser avec le groupe Kassav ?

NL : Je ne peux faire sortir notre musique du ghetto que sur le plan artistique. Le problème se pose essentiellement au niveau de la communication et de la diffusion de nos œuvres. Cette tâche revient à la presse et aux autorités du pays. À notre niveau, il nous faut faire du lobbying. Je ne serais pas gêné, au cours de mes concerts à l’étranger, d’interpréter une chanson de Félix Wazekwa. Une fois, Likinga et moi avions interprété la chanson « Shama Shama » au Ghana et j’avais fait la voix de Mopero. Le temps n’est plus à la polémique et à des rivalités stériles, je lance un appel à mes aînés Jeannot Bombenga et Lutumba Simaro pour nous rassembler. Pour la promotion de notre musique, il faut féliciter nos jeunes qui abattent un grand travail. La musique jouée en Afrique aujourd’hui est la leur. Que dire de l’espace audiovisuel congolais ? Contrairement à nos médias, en Europe et en Amérique on conserve de la considération pour les anciens succès, les anciennes gloires. Qui diffuse encore aujourd’hui les chansons de Vox Africa ? de Cobantou ? de l’OK Jazz ? Pourtant ce sont des modèles par lesquels nous sommes arrivés dans la musique. Il est déplorable que nos guitaristes focalisent leur apprentissage sur ce que l’on appelle les sébenes au lieu de s’inspirer aussi de la musique de leurs aînés. C’est comme ça qu’on peut retrouver cinq albums d’orchestres congolais différents donnant l’impression qu’il s’agit d’un seul groupe.

PR : Y a-t-il du brouillard dans vos relations avec vos collègues du Clan Langa Langa et avec Koffi Olomide ?

NL : Je n’ai aucun problème avec les amis et j’ai beaucoup de respect à leur égard. Je me suis entretenu avec Bimi Ombale au téléphone mais il n’était pas disponible pour cette conférence de presse. Papa Wemba est occupé sinon il serait ici avec nous, pareil pour Koffi Olomide que j’ai eu au téléphone avant mon retour à Kinshasa.

PR : Cette conférence de presse a débuté par une prière de l’abbé Joseph Lukelu et pourtant on vous prête un attachement pour les fétiches illustrés par le cri « ZAIKO eyi nkisi eyi magie »

NL : Le cri « eyi nkisi, eyi magie » n’est pas une allusion aux fétiches. C’était lors d’une fête ; une connaissance a constaté que les invités ne s’intéressaient pas à la danse et lorsqu’on a balancé une chanson de Zaïko, la piste était pleine. Alors il s’est écrié, « Zaïko eyi nkisi, eyi magie ». C’est de là que nous avions tiré ce cri. Quant à l’abbé Joseph c’est un ami de longue date.

PR : Un débat divise aujourd’hui les mélomanes sur les chansons à texte et celles très dansantes… Et aujourd’hui, Félix Wazekwa a déclaré qu’il va vous dépasser en matière de danse.

NL : Les deux styles de musique se complètent mais on doit faire les choses dans les normes. Pour répondre à Wazekwa, « nga nazokola, soki aleki ngai où est le problème », traduisez « J’avance en âge si Wazekwa me dépasse, tant mieux ».

PR : Pendant votre absence du pays, le gouvernement a promis une cagnotte de deux millions de dollars américains aux artistes et cette cagnotte les a divisés. Un groupe était partisan du partage de cette somme d’argent entre artistes, tandis que d’autres souhaitaient la réalisation des infrastructures. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

NL : Il faudra d’abord connaître les arguments des une et des autres avant de se prononcer. Mais concernant les infrastructures, si je prends le cas d’un studio, je suis partisan d’un partenariat État-privé parce que dans ce secteur l’État a toujours démontré ses limites. Ce fut le cas avec le studio IAD de Brazzaville qui n’a pas marché parce que l’État était le seul gestionnaire.

PR : À quand votre première apparition sur scène à Kinshasa ?

NL : L’annonce sera faite prochainement par notre comité organisateur après le travail de jonction entre les musiciens de Zaiko revenus d’Europe et ceux recrutés à Kinshasa.

PR : Justement, quels sont les artistes qui sont revenus à Kinshasa avec vous ?

NL : Il y a Gégé Manganya, Shango (guitaristes), Chou Lay et Prince Bela (chanteurs). Doudou Adoula (animateur) et Adamo (chanteur) vont peut-être rejoindre le groupe en ce mois de mars. Je ne vais pas trop me prononcer là-dessus et on fera le compte lors de notre premier concert (ndlr. Selon une information du Bureau de Zaïko LL à Bruxelles, le chanteur Malage de Lugendo et le bassiste Montingiya sont également prêts à rejoindre le groupe à Kinshasa).

PR : Avez-vous un mot pour Evoloko qui se trouve en prison ?

NL : Je compte lui rendre visite en prison et je présente des excuses à nos mamans et à nos autorités au nom de mon frère Evoloko

Source

Afriquechos.ch