mars 10, 2025

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Laurent Kadogo : « Je suis déçu que le poète Lutumba n’ait pas sollicité Dilu Dilumona pour son dern

Le guitariste Laurent Kadogo est discret et réservé, pas parce qu’il n’a pas des choses à dire, mais parce que la chronique musicale à Kinshasa est devenue principalement la tribune de brailleurs pompeusement appelés « porte-paroles » qui écument les plateaux télé pour parler de leurs boss mais presque pas de

musique. Compréhensible pour cet artiste dont la musique est une passion depuis son enfance et qui a un pedigree qui parle pour lui : des collaborations avec des noms consacrés de la musique congolaise comme Pépé Kallé, Madilu System, Defao, Mbilia Bel, Rigo Stars et autres Bimi Ombale. Ou plus récemment avec la Mamu Nationale, Tshiala Mwana dans la chanson « Grand Prêtre Mère » qui sortira sous peu, avec Alpachino (un ancien compagnon de Papa Wemba) et travaille sur l’album de Vonga Aye sans parler de plusieurs oeuvres de la musique dite chrétienne. Interview portrait.

AFRIQU’ECHOS MAGAZINE (AEM) : Vous semblez avoir une phobie des médias…

LAURENT KADOGO (LK) : Je préfère rester dans l’ombre car ce que j’entends et ce que je vois dans les émissions musicales, généralement les artistes ne sont pas considérés et on préfère accorder plus de temps aux porte-paroles des groupes qui n’abordent pas de choses sérieuses. De plus en plus, certains journalistes préfèrent brader leur métier au profit de l’argent. Pour ne pas me ridiculiser, je préfère rester dans mon coin et ne répondre aux appels de la presse que lorsqu’on s’intéresse à moi pour parler musique.

AEM : Justement comment êtes-vous arrivé dans la musique ?

LK : Depuis ma jeunesse, je m’intéressais à la musique. J’assistais aux répétitions de feu Madiata avec son orchestre Bisengo à quelques pas de la maison familiale à Barumbu. Ensuite, j’ai habité à Bumbu dans un quartier mouvementé et où la musique faisait la loi avec Shora Mbemba et plusieurs autres groupes du quartier. J’avais déjà une oreille musicale avant de pratiquer la musique. Et un jour, lors d’une veillée mortuaire dans le quartier j’avais été ébloui de voir un jeune jouer la guitare. C’est ainsi que j’ai pris la décision de jouer cet instrument. Je me suis confié à un adulte du quartier, Vieux Berros, et c’est lui qui m’a appris à jouer à la guitare. J’ai appris vite et en moins de temps je jouais déjà, à la surprise générale des amis. Godé Lofombo peut en témoigner.

AEM : Ce fut le début de votre carrière ?

LK : Non. J’ai véritablement démarré en décembre 1989 au sein de la chorale Lolaka et parallèlement je jouais dans un orchestre religieux Élus de Dieu de Frère Mauro Nsumbu avec Matou Samuel ainsi que d’autres amis. Ensuite, j’ai intégré le groupe Super Choc de Shora Mbemba et là j’ai également été initié comme technicien d’installation de matériel de musique. En 1991, j’ai travaillé avec Bimi Ombale dans son groupe Basilique Loningisa mais je n’y suis pas resté longtemps car j’ai intégré, vers septembre 1992, le groupe Big Stars de Defao.

AEM : Vous n’avez pas parlé de votre collaboration avec Mbilia Bel ?

LK : Effectivement. En 1994, j’ai travaillé avec Mbilia Bel et le Grand Prêtre Rigo Star. Cela m’a permis de faire plusieurs tournées avec eux en Ouganda, au Kenya, en Angola, au Gabon et dans différents autres pays. Entretemps, je bossais en privé dans un atelier de musique pour la recherche de son, d’enregistrement et de programmation. En septembre 1997, je suis devenu ingénieur programmeur et compositeur. J’ai travaillé aussi au studio Sim Sim de Vieux Simbarn, un saxophoniste qui a aussi travaillé avec Lokua Kanza, Shakara, Lofombo…

AEM : Qu’est-ce qui s’était passé avec cet aller-retour chez Defao ?

LK : Après mon départ, Defao avait demandé que je réintègre le groupe que j’avais quitté parce que mon savoir-faire dérangeait certains. J’étais combattu et j’avais préféré ménager les susceptibilités de ceux-là. Finalement Defao avait compris et avait exigé mon retour dans le groupe. Avec lui aussi nous avions effectué plusieurs voyages en Tanzanie, en Zambie, au Zimbabwe, etc.

AEM : Racontez-nous un peu cette belle aventure de l’album « Cocktail » avec Pépé Kallé ?

LK : Pépé Kallé avait l’habitude d’écouter les différents morceaux que nous travaillions avec Lofombo à partir de notre atelier de musique, au studio de Vieux Shora Mbemba. C’est à travers ces supports qu’il m’avait découvert. Notre premier travail ensemble était pour le compte d’un organisme international avec une chanson contre le SIDA. Cette chanson a réuni plusieurs artistes comme Papa Wemba, Blaise Bula, Shora Mbemba. Et Pépé Kallé avait beaucoup apprécié mon rendement et tout a commencé par là. Une autre prestation avait suivi celle-là ; c’était la chanson qu’il avait dédiée au président tanzanien Julius Nyerere pour ses 65 ans d’âge. C’est dans « Cocktail » que ce mariage s’est confirmé. J’ai apporté beaucoup dans cet album mais je ne ferai aucun commentaire. Vous pouvez interroger à ce sujet JP KIS du studio Ndiaye.

AEM : Quelle image gardez-vous de Pépé Kallé dix ans après sa disparition ?

LK : Pépé Kallé ne s’affichait pas en éléphant de la musique congolaise. Il s’adaptait à mon niveau et admettait nos remarques lorsqu’elles étaient fondées. Il était très différent de beaucoup d’artistes qui se disent grands et qui s’en prévalent. Pépé Kallé était pour moi un modèle de simplicité, d’humilité.

AEM : Qu’est-ce qui l’éclipse de tous ceux qui travaillaient avec Pépé Kallé après sa mort ?

LK : La mort de Pépé Kallé a été un coup fatal pour la plupart de ses compagnons. À dire vrai, ces artistes n’ont pas perdu leur talent mais il y a un réel problème de moyens pour s’exprimer artistiquement. J’étais par exemple impressionné par Dilu Dilumona lors de notre prestation à la place 1-2-3 et au terrain municipal de Bandal pour la commémoration du 10ème anniversaire de la mort de Pépé Kallé. Je suis, par exemple, déçu que Papa Lutumba Simaro ne l’ait pas appelé pour chanter dans son dernier album. Hélas, on a tendance à se pencher seulement sur ceux qui ont du succès, mais tout le monde sait aussi comment le Vieux Wendo a surpris les gens dans la chanson « Franc congolais » pendant qu’il était considéré persona non grata.

AEM : Pouvez-vous nous citer quelques œuvres assez récentes et actuelles dans lesquelles on peut retrouver vos empreintes ?

LK : J’ai joué la guitare solo dans la chanson « Grand prêtre mère » dans le nouvel album de maman Tshiala Muana ; j’ai aussi laissé mes empreintes dans l’album de Ferré qui sera sur le marché l’année prochaine intitulé « Qui est derrière toi » ; je suis en train de travailler avec maman Vonga Aye qui est revenue d’Afrique du Sud pour son nouvel album dont vous apprécierez les merveilles dans les prochains jours ; j’ai travaillé avec Madilu System dans son album «  Pouvoir » ; j’ai aussi travaillé dans l’album de Adolphe Dominguez « Suspension », sans compter des collaborations avec Alpachino, Sampaio, etc.

AEM : Vous n’avez évoqué aucun artiste ou groupe chrétien ?

LK : C’est pour ménager mes frères qui nous taxent de mondains et recourent à nos services en nous demandant de taire cette collaboration. Je tais leurs noms par respect à leur volonté.

Source

www.afriquechos.ch